jeudi 2 août 2018

"Répliques" - Exposition "Arbres " 2018

                                                           ©  B.Giffo - "L'Arbre"- dessin au crayon (103 x51)

« Répliques »

Japon, mars 2011: Séisme, tsunami, catastrophe nucléaire…de ces évènements j’ai conservé le souvenir aigu d’un puissant effet de sidération très proche de celui ressenti lors des évènements du 11 septembre 2001 au World Trade Center. 
L’immense vague noire a imprimé sa trace. J’ai été profondément marquée par l’impact de cette coulée sombre emportant toutes les vies sur son passage, rasant le paysage, éradiquant enfin tout repère de l’espace urbain, laissant les hommes totalement démunis et le littoral couvert de monceaux de débris. Voir, puisque nous voyons maintenant les évènements en direct fut un choc. Comprendre enfin les vagues d’Hokusai et les tourbillons d’Hiroshige aspirant toutes les vies fut bouleversant. J’ai alors souhaité commencer un travail de mémoire.

Les deux pièces centrales de ce travail de dessin sont présentées en miroir: figure d’humanité et figure de l’arbre debout rescapées de ces catastrophes.

« Portrait debout »
Pourquoi avoir envie de m’inspirer de cette photo de Tadashi Okubo qui avait fait à l’époque la une de nombreux quotidiens? Sans doute parce que je conserve dans ma documentation le portrait de cette jeune femme rescapée du tsunami comme un élément très marquant. Elle se nomme Yuko Sugimoto, mais à l’instant où je découvre cette photo, pour les lecteurs, elle n’a pas encore de nom; Sa figure est hiératique; le corps digne, abrité dans la couverture serrée contre sa poitrine, elle fait face au chaos. Elle a subi le désastre mais toute l’humanité résonne en elle. Son regard est tourné vers l’avenir. « Portrait debout  » tient d’une figure de proue.

« L’arbre »
Face à elle « L’arbre», le pin de Rikuzentakata le seul resté debout parmi les 70000 arbres de cet autre littoral. 
Des vagues les ont submergés passant par dessus leurs cimes. Cet arbre de 172 ans a tenu, et je choisis de le représenter à cet instant dans sa beauté et sa force de résistance. 
Plus tard la salinité du sol aura raison de lui. Les autorités  décideront alors, suite à une cérémonie Shintoïste, de l’abattre avec soin, pièce par pièce du tronc à la ramure. Celles ci seront traitées puis remontées autour d’une âme de carbone.  Le pin de Rikuzentakata a été érigé à nouveau en 2012 et se dresse sur le littoral reconstitué en un lieu mémoriel.

A l’invitation de Jean Luc Aimé à réfléchir au thème de l’Arbre, j’ai trouvé dans la structure « Le cri suspendu » le lieu pour commencer ce travail de mémoire. 
Le choix du dessin au crayon parce qu’il impose un rythme lent, implique une grande présence au sujet. La fragilité du dessin me semble adaptée à la représentation que je souhaite donner à cet état « d’être démuni ». A cette fragilité répond le choix du grand format qui fait face à celui qui regarde et nous renvoie à notre état de celui qui n’a pas vécu dans sa chair les évènements mais peut seulement témoigner et conserver ainsi la mémoire.

Béatrice Giffo

Exposition ARBRES - Le cri suspendu - du 3 au 26 août - 3 rue Louis Pasteur - Douarnenez -